Travailleurs en situation de handicap : le droit international à mobiliser !

Le droit international des droits de l’homme offre des ressources à connaître et à mobiliser pour favoriser l’inclusion des travailleurs […]

Le droit international des droits de l’homme offre des ressources à connaître et à mobiliser pour favoriser l’inclusion des travailleurs en situation de handicap dans l’emploi et le travail. Le droit français et les pratiques dans les entreprises sont à mettre en conformité avec ce droit international, déjà mis en œuvre au niveau de l’Union européenne.

Les apports du droit international des droits de l’homme :

Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées (ONU), de 2006, ratifiée par la France (applicable en droit interne)

  • définition rénovée du handicap : « […] le handicap résulte de l’interaction entre des personnes présentant des incapacités et les barrières comportementales et environnementales qui font obstacle à leur pleine et effective participation à la société sur la base de l’égalité avec les autres » ;
  • définition rénovée des personnes en situation de handicap : « […] des personnes qui présentent des incapacités physiques, mentales, intellectuelles ou sensorielles durables dont l’interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à leur pleine et effective participation à la société sur la base de l’égalité avec les autres » ;
  • définition de la discrimination liée au handicap : « […] toute distinction, exclusion ou restriction fondée sur le handicap qui a pour objet ou pour effet de compromettre ou réduire à néant la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice, sur la base de l’égalité avec les autres, de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social, culturel, civil ou autres. La discrimination fondée sur le handicap comprend toutes les formes de discrimination, y compris le refus d’aménagement raisonnable » ;
  • définition des aménagements raisonnables : « […] les modifications et ajustements nécessaires et appropriés n’imposant pas de charge disproportionnée ou indue apportés, en fonction des besoins dans une situation donnée, pour assurer aux personnes handicapées la jouissance ou l’exercice, sur la base de l’égalité avec les autres, de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales ».

L’article 27 de la convention stipule que les États parties doivent garantir l’exercice du droit au travail en prenant des mesures appropriées pour notamment « faire en sorte que des aménagements raisonnables soient apportés aux lieux de travail en faveur des personnes handicapées ».

Analyses du Comité des droits des personnes handicapées (Onu)

« La France n’a pas encore intégré l’approche du handicap fondée sur les droits de l’homme » (rapport du 23 août 2021). Les stratégies françaises liées au handicap se réfèrent encore au modèle médical du handicap, alors qu’il est reconnu comme étant discriminatoire.

La défenseure des droits a regretté que la France n’ait pas encore pris pleinement en considération la nouvelle approche fondée sur les droits induite par la convention. Ainsi, l’approche du handicap reste-t-elle essentiellement médicale. Cette approche se traduit par la priorité accordée aux réponses en termes de compensation individuelle, au détriment d’une nécessaire transformation de l’environnement dans un objectif de société inclusive, ouverte à tous.

Les discriminations à l’égard des personnes handicapées constituent le premier motif de saisine du défenseur des droits en matière de discrimination. L’emploi est le premier domaine concerné, notamment du fait du refus de nombreux employeurs de mettre en place des aménagements raisonnables.

En 2018, le Comité avait déjà rappelé le changement de paradigme :

– La conception individuelle et la conception médicale du handicap empêchent l’application du principe d’égalité aux personnes handicapées. Selon le modèle médical du handicap, les personnes handicapées ne sont pas reconnues en tant que détentrices de droits, mais sont plutôt « réduites » à leurs déficiences. Selon les deux modèles, un traitement discriminatoire ou différencié est réservé aux personnes handicapées, et l’exclusion de ces personnes est considérée comme la norme et elle est légitimée par une approche du handicap qui repose sur l’incapacité d’un point de vue médical.

– Le modèle fondé sur les droits de l’homme tient pour entendu que le handicap est une construction sociale et que les déficiences ne sauraient être considérées comme un motif légitime pour empêcher ou restreindre l’exercice des droits de l’homme. Il considère le handicap comme une composante parmi d’autres de l’identité. Partant, les lois et politiques relatives au handicap doivent tenir compte de la diversité des personnes handicapées.

L’égalité inclusive est un nouveau modèle d’égalité défini tout au long de la convention. Fondée sur un modèle d’égalité réelle, l’égalité inclusive élargit la notion d’égalité et l’approfondit en introduisant : a) une composante redistribution équitable, pour remédier aux inégalités socio-économiques ; b) une composante reconnaissance, pour lutter contre la stigmatisation, les stéréotypes, les préjugés et la violence, et pour consacrer la dignité des êtres humains et leurs points communs ; c) une composante participation, pour réaffirmer le caractère social des personnes en tant que membres de groupes sociaux et la pleine reconnaissance de l’humanité par l’inclusion dans la société ; d) une composante aménagement, pour faire une place à la différence en tant que question de dignité humaine. La convention est fondée sur l’égalité inclusive.

La mise en œuvre de la convention par le droit de l’Union européenne :

La convention, ratifiée par l’Union européenne, fait maintenant partie du droit européen. La Cour de justice de l’Union européenne (Cjue) met en œuvre la directive n° 2000/78 (interdisant la discrimination au regard du handicap) à la lumière de la finalité de la convention.

Il est ainsi jugé que l’état de santé dégradé peut constituer un handicap dans un contexte donné : « si une maladie curable ou incurable entraîne une limitation, résultant notamment d’atteintes physiques, mentales ou psychiques, dont l’interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à la pleine et effective participation de la personne concernée à la vie professionnelle sur la base de l’égalité avec les autres travailleurs et que cette limitation est de longue durée, [une telle maladie] peut relever de la notion de “handicap” (arrêt Cjue, 11 avril 2013, HK Danmark). Le travailleur concerné doit alors bénéficier des aménagements raisonnables lui permettant de poursuivre son activité professionnelle (à défaut, il subirait une discrimination).

Michel Chapuis

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