La « redevance » audiovisuelle, dernier rempart à une information indépendante

La suppression de cette contribution priverait l’audiovisuel public de l’assurance d’un financement pérenne.

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La suppression de la redevance et des 3,2 milliards d’euros qu’elle assure mettrait en péril le financement et l’indépendance de toutes les chaînes et radio du service public. © IP3 PRESS/MAXPPP
Selon le compte-rendu du dernier Conseil des ministres, le gouvernement confirme sa volonté de supprimer la redevance audiovisuelle dès 2022. Au risque de fragiliser l’audiovisuel public, qui serait ainsi privé d’un financement dédié et pérenne.

A chaque scrutin, le sujet de la suppression de la redevance audiovisuelle est posé. À peine entré en campagne, Emmanuel Macron l’a annoncé, comme il a supprimé la taxe d’habitation, à laquelle elle était adossée. Alors que le Conseil des ministres a confirmé cette volonté de suppression, dès 2022., le projet inquiète les salariés des médias publics et leurs syndicats. Voici cinq raisons de garder le principe de cette Contribution à l’audiovisuel public. 

1/ L’utilité d’une taxe dédiée pour un financement pérenne

« Nous ne pouvons pas vivre en tant que service public sans une enveloppe dédiée au service public », précise d’emblée Sabine Mellet, déléguée syndicale du Snj-Cgt et journaliste pour RFI. Une taxe dédiée au financement des médias publics, c’est d’abord l’assurance du financement. « D’une année sur l’autre, il est possible de savoir quelle somme sera perçue pour assurer l’ensemble des missions » explique Guillaume le Gouic, secrétaire général du Snj-Cgt de France Télévisions. Mais c’est aussi « une garantie d’indépendance politique », ajoute Lionel Thompson, délégué syndical du syndicat national des journalistes de la Cgt à Radio France. Ce dernier rappelle d’ailleurs que cette redevance n’est pas si élevée pour financer l’ensemble des chaînes de télévisions, de radios, les podcasts et orchestres, en comparant son montant « avec ce qui doit être acquitté pour des médias privés aux contenus pas vraiment essentiels, avec des abonnements de 30 à 40 € par mois… » 

2/ Une taxe peu élevée par rapport aux pays voisins

En France, le montant de cette contribution est de 138€ par an et par foyer. Une somme moins élevée par exemple qu’en Suisse (406€), due d’ailleurs par tous les foyers, contrairement aux foyers français où seuls ceux qui sont équipés d’un poste de télévision y sont soumis. Récemment, dans le cadre d’un référendum, les Suisses ont massivement rejeté la suppression de la redevance en votant contre à 71%. La redevance est aussi plus élevée au Danemark (330€), non loin de la Norvège (307€). L’Allemagne suit avec 210€ tout comme le Royaume-Uni avec 166€. 

3/ Le rôle essentiel de l’audiovisuel public

L’audiovisuel public tire sa force de sa diversité. « À France Médias Monde, nous touchons 400 millions de téléspectateurs dans le monde. Notre existence est vitale pour continuer à exister comme chaîne française avec nos spécificités comme les droits de l’homme par exemple », explique Sabine Mellet. « L’audiovisuel public est absolument nécessaire au regard du paysage médiatique en France », ajoute Lionel Thompson, en pointant le phénomène de concentration des médias privés, aux mains de milliardaires comme Vincent Bolloré et utilisés « comme instrument d’influence politique ». Guillaume le Gouic souligne quant à lui l’absence d’émissions d’investigations ailleurs que sur le service public : « Cela pose un problème si demain on supprime la redevance et qu’on dépend du budget de l’État… ».

4/ Les conséquences du transfert sur le budget de l’État

« Dans un premier temps, il est probablement que son montant ne sera pas revu à la baisse », avance Guillaume le Gouic. « Mais, au fil de l’eau, le problème des économies sera posé ». Pour le moment, cette proposition manque pour le moins de précisions sur son application. Le budget serait-il négocié tous les ans ou pour plusieurs années ? La question est en suspens. « Les lois de programmation n’ont d’ailleurs jamais été une garantie absolue », souligne Lionel Thompson. Si ce projet était mis en œuvre, « nous serions une variable d’ajustement facile, dépendants de l’exécutif et d’une majorité » ajoute-t-il, tout en craignant les conséquences de l’arrivée au pouvoir d’une majorité d’extrême droite. Sabine Mellet est déjà pessimiste : « Nous, on ne pourrait plus vivre ! »

5/ Une réforme pour la contribution de l’audiovisuel public

Contrairement à certains de ses voisins européens, la contribution est, en France, acquittée par les seuls foyers disposant d’un poste de télévision. Avec l’évolution des usages, ils sont de moins nombreux. Y échappent en effet tous les foyers qui regardent la télévision sur leurs écrans d’ordinateur ou de téléphone. De facto, l’idée d’une réforme de la redevance est donc plutôt bien accueillie, y compris par la Cgt. À condition qu’elle soit « réellement progressiste, (…) permette de financer correctement l’audiovisuel public et ses besoins de développement, tout en étant plus juste fiscalement », écrivait la Cgt de Radio France le 14 mars dernier, dans un communiqué. En précisant alors deux pistes possibles : celle d’une taxe universelle, comme en Allemagne ; une taxe sur tous les objets connectés. Pour Sabine Mellet, cette dernière proposition pourrait rapporter bien plus que l’actuelle contribution, tout en ayant un coût moins élevé qu’aujourd’hui pour chaque foyer.

Arthur Brondy