Réflexions en scène dans un maillot de bain trop petit

La comédienne Suzanne de Baecque, à  partir de sa candidature au titre de miss Poitou-Charentes, a conçu un spectacle dans lequel elle se pose une infinité de questions sur la signification de ces concours pour celles qui s’y soumettent.

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Suzanne de Baecque dans Tenir debout. © Simon Gosselin.
La comédienne Suzanne de Baecque, à  partir de sa candidature au titre de miss Poitou-Charentes, a conçu un spectacle dans lequel elle se pose une infinité de questions sur la signification de ces concours pour celles qui s’y soumettent.

Antoine Vitez affirmait qu’ « on peut faire théâtre de tout  ». La jeune comédienne Suzanne de Baecque ne le démentirait pas, elle qui, en juin 2022, a été couronnée par le prix Jean-Jacques Lerrant de la révélation théâtrale, attribué par le Syndicat de la critique, pour son interprétation de Lisette dans la Seconde Surprise de l’amour, de Marivaux, réalisation d’Alain Françon. Elle met en scène et interprète aujourd’hui Tenir debout,spectacle qu’elle a écrit à  la suite d’une expérience personnelle infiniment singulière.

Il y a quatre ans, elle s’apprêtait aux épreuves d’entrée dans les écoles nationales de théâtre, non sans douter un peu de sa vocation. En vacances chez sa mère dans un village du Poitou-Charentes, lors de courses au Super U, elle tombe en arrêt devant une affichette ainsi libellée : « Mesdemoiselles, plus que quinze jours pour déposer votre candidature pour l’élection de Miss Poitou-Charentes…  » Blagueur, son beau-père lui dit : « Ah bah tiens, si t’as pas tes concours, tu pourras t’inscrire à  Miss Poitou !  »

« On venait de mettre l’actrice et la Miss dans le même sac  »

Ici, nous laissons la parole à  Suzanne de Baecque, qui exprime à  la perfection la genèse de Tenir debout : « J’en ai eu le souffle coupé, écrit-elle, on venait de mettre l’actrice et la Miss dans le même sac. Mais quelles étaient vraiment les différences ? Un métier d’images, de représentation et de communication. C’était de plus une phrase méprisante pour les actrices, qui n’ont pas toutes demandé à  être des vitrines et des égéries de luxe, et pour les Miss, qui n’ont pas besoin de ce mépris de classe permanent  ».

En 2020, elle se présente à  l’élection de Miss Poitou-Charentes. « J’avais besoin de vivre l’expérience intimement, de me mettre en scène dans le réel. Infiltrer le comité à  ma manière, sentir comment le concours transforme mon propre corps. Mais aussi partir à  la rencontre de mes concurrentes […]. Comment, en 2020, alors qu’une nouvelle parole féminine est en train de naître, de se libérer, peut-on encore avoir envie de devenir Miss ? Qu’y a-t-il derrière ces corps que l’organisation Miss France fabrique ?  »

« Toutes sortes de sensations paradoxales et violentes  »

Suzanne de Baecque, poussant à  son terme la logique de son choix, l’analyse ainsi : « C’était une vraie répétition de théâtre o๠la moindre expression devrait disparaître, ne plus être regardée par ces élus locaux de Charentes qui allaient décider si je pouvais être belle. Et en même temps je voulais plaire, réussir du mieux possible ce concours. J’étais traversée par toutes sortes de sensations paradoxales et violentes.  »

Il y eut surtout qu’elle s’est demandé comment numéro 3, numéro 5, numéro 8, numéro 12 vivaient ce moment « que nous partagions ensemble.  » Elle ne connaissait même pas leurs prénoms. « J’ai compris, dit-elle, dans mon maillot de bain trop petit, que ce qui m’intéressait dans ce travail était de confronter mon point de vue à  ceux de ces jeunes filles. Faire reprendre vie à  ces corps déshumanisés, trafiqués, améliorés, transformés par ce concours. Raconter l’histoire de leur corps et du mien.  »

Suzanne de Baecque, Tenir debout

  • les 9 et 10 septembre à  Orléans (Loiret) ;
  • du 19 au 22 octobre à  Tourcoing (Nord) ;
  • du 23 au 26 novembre à  Rennes (Ille-et-Vilaine) ;
  • du 30 novembre au 2 décembre à  Orléans (Loiret) ;
  • le 7 mars 2023 à  Angoulême (Charente) ;
  • les 17 et 18 mars 2023 à  Poitiers (Vienne) ;
  • le 20 mars à  Thionville (Moselle).

Antoine Sarrazin