Cadres : les volontés d’agir s’accumulent

par Sophie Binet, Secrétaire générale de l’Ugict-Cgt Comme chaque année, l’Ugict-CGT publie son baromètre sur l’état d’esprit des cadres. Réalisé […]

par Sophie Binet, Secrétaire générale de l’Ugict-Cgt

Comme chaque année, l’Ugict-CGT publie son baromètre sur l’état d’esprit des cadres. Réalisé par un institut de sondage, il permet de confirmer des constantes, avec des résultats très stables sur dix ans, et d’identifier de nouvelles tendances. Au menu des constantes, le résultat de ce que l’Ugict appelle le Wall Street management, le management par les coûts : d’abord la négation de la qualification et des responsabilités exercées. Une majorité de cadres, à commencer par les femmes et les fonctionnaires, estiment que leur rémunération est en décalage avec leur implication dans le travail. Ensuite, un net divorce avec les directions. Majoritairement, les cadres estiment que les pratiques managériales se sont détériorées. Alors qu’une partie des cadres a justement pour responsabilité d’évaluer les autres salarié.e.s, ils et elles sont très critiques sur les critères d’évaluation individuelle, jugés opaques et infondés. Et pour cause ! Établie uniquement sur des critères quantitatifs, déconnectée du contenu et du sens du travail, l’évaluation pèse pourtant directement sur la rémunération (avec des parts variables toujours plus importantes), le déroulement de carrière, voire le licenciement. Enfin, le baromètre confirme la rupture avec les stratégies d’entreprise, auxquelles 72 % des cadres disent ne pas être associé.e.s. Pis : 53 % des cadres disent que, régulièrement, les choix ou pratiques de leur entreprise sont en contradiction avec leur éthique professionnelle. Le signe net de la financiarisation des entreprises et du travail. Des critiques qui sont encore plus marquées dans la fonction publique. Au vu de la faiblesse des salaires des fonctionnaires, ce n’est pas une surprise que la colère soit plus forte en matière de reconnaissance salariale. En revanche, les conflits éthiques sont nettement plus fréquents que dans le privé, un comble pour l’État employeur, supposé défendre l’intérêt général. La cause de la crise des vocations de fonctionnaire n’est pas à chercher ailleurs !

En matière de temps de travail, les cadres travaillent beaucoup, et ce n’est pas nouveau. Comme chaque année, ils et elles sont une majorité à considérer que leur charge de travail a augmenté. Par contre, l’évaluation de leur temps de travail hebdomadaire augmente nettement : 40 % des cadres déclarent travailler plus de 45 heures par semaine et 20 % (+ 5 points) plus de 49 heures ! Les gains de temps de transport réalisés grâce au télétravail sont donc, pour l’essentiel, récupérés par les employeurs. 54 % des cadres disent travailler durant leurs jours de repos, un score particulièrement élevé chez les femmes (59 %), dont le temps de travail est plus fragmenté du fait des tâches ménagères. L’amélioration de l’articulation vie privée-vie professionnelle reste donc logiquement en tête des priorités, et la revendication du droit à la déconnexion est plébiscitée. Nouveauté 2022 : 73 % des cadres estiment que leur pouvoir d’achat a baissé depuis un an. Interrogé.e.s sur ce qu’ils et elles seraient prêt.e.s à faire pour obtenir une augmentation de salaire ou défendre leur retraite, plus de 40 % des cadres se disent prêt.e.s à faire grève et 38 % à se syndiquer. Un regain d’intérêt pour l’action collective qui constitue un point d’appui pour rassembler le salariat et élever le rapport de forces. Mais attention, l’unité ne se rêve ni ne se postule d’en haut. Alors que ce même sondage révèle que 75 % des cadres considèrent que la CGT ne les défend pas, l’enjeu est de leur proposer un syndicalisme qui prenne en compte leurs problématiques spécifiques et leur permette de converger avec le reste du salariat.

Chronique initialement publiée dans l’Humanité Magazine du 29 septembre 2022