Autour du Chef-d’œuvre inconnu, dans la Maison d’Honoré de Balzac à Passy

De 1840 à 1847, l’auteur de « la Comédie humaine » se réfugiait dans une demeure devenue musée, où l’exposition « Entre […]

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© Paula Rego, «  Painting him out   », 2011. (Collection privée, Londres, Courtesy of Marlborough Gallery).

De 1840 à 1847, l’auteur de « la Comédie humaine » se réfugiait dans une demeure devenue musée, où l’exposition « Entre génie et folie » illustre un de ses livres fameux.

© Paula Rego, « Painting him out », 2011. (Collection privée, Londres, Courtesy of Marlborough Gallery).

La Maison de Passy est la seule demeure parisienne de Balzac (1799-1850) qui subsiste. Il s’y était installé sous un faux nom, pour fuir ses créanciers. Dûment restaurés, les lieux abritent collections permanentes, manuscrits, éditions originales, livres illustrés, sculptures, estampes d’artistes en renom et le fonds Théophile Gautier, qui fut son ami. On visite le petit cabinet où Balzac, bourreau de travail, buveur de café impénitent, corrigeait les épreuves de son entreprise littéraire titanesque, qui ne compte pas moins de 2500 personnages.

En ce moment, l’accent est mis sur le Chef-d’œuvre inconnu, une nouvelle de 1831, qui met en scène, dans le Paris du XVIIème siècle, deux grands peintres ayant existé, Nicolas Poussin et Frans Pourbus le jeune, ainsi qu’un autre, fictif celui-là, nommé Frenhofer, lequel critique avec dédain un tableau de Pourbus, avant de le sublimer en quelques coups de pinceau. Frenhofer disserte sur l’art et révèle qu’il œuvre, depuis dix ans, à un portrait, qu’il compare à une femme parfaite. Il entend par là vérifier qu’il surpasse la nature en beauté et en vérité.

« Un chaos de couleurs, de tons, de nuances indécises… » 

Poussin, piqué au jeu, propose une espèce de pari. Au risque de perdre son amour, il fera poser sa maîtresse, en échange de quelques instants de contemplation de la peinture supposée magistrale de Frenhofer. Dans l’atelier de ce dernier, Poussin et Pourbus ne voient, au lieu d’une figure de femme, qu’un « chaos de couleurs, de tons, de nuances indécises, espèce de brouillard sans forme ». De ce fatras, se dégage uniquement le bout d’un pied nu, « un pied délicieux, un pied vivant ! ». Frenhofer, excédé par leurs réactions, cache sa toile sous un tissu et congédie les deux artistes…

Eduardo Arroyo, « Le Chef-d’œuvre inconnu », 69 x 59, 7 cm. © Paris Musées – Maison de Balzac

Conte fantastique, récit philosophique énigmatique, le Chef-d’œuvre inconnu ne cesse de provoquer la réflexion sur l’essence de l’art. Frenhofer est-il le prophète de la modernité dans la figuration de l’être humain ? Est-il fou ?

Chacun à sa manière, des artistes se sont sentis sollicités par le texte de Balzac. L’exposition accueille ainsi, entre autres, les treize magnifiques gravures que Picasso, sur commande du marchand Ambroise Vollard, consacra, en 1926, à la nouvelle de Balzac. Il y aussi, entre autres, des œuvres d’Arroyo, Anselm Kiefer, Paula Rego et de Bernard Dufour, qui exécuta, dans le film de Jacques Rivette, la Belle Noiseuse (1990), les peintures qu’était censé réaliser à l’écran Michel Piccoli, en personnage inspiré de la célèbre nouvelle. Des images du film sont projetées.

« Le chef-d’œuvre inconnu entre génie et folie »,

jusqu’au 6 mars, à la maison de Balzac, 46 rue Raynouard, Paris 16e. Réservation conseillée sur maisondebalzac.paris.fr

Stéphane Harcourt