Quand des artistes peignaient en plein air pour étudier la nature

à€ Paris, la Fondation Custodia expose de nombreuses esquisses à  l’huile, exécutées «  sur le motif   » entre 1780 et 1870, en un temps o๠l’on découvrait la météorologie.

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© Arbres devant une vallée, Simon Denis, huile sur toile, 68,8 x 91,1 cm. Fondation Custodia, Collection Frits Lugt.
à€ Paris, la Fondation Custodia expose de nombreuses esquisses à  l’huile, exécutées «  sur le motif   » entre 1780 et 1870, en un temps o๠l’on découvrait la météorologie.

La fondation néerlandaise Custodia, créée en 1947, se trouve à  deux pas de l’Assemblée nationale, au cÅ“ur du faubourg Saint-Germain cher à  Marcel Proust. S’y tient, actuellement, l’exposition « Sur le motif. Peindre en plein air, 1780-1870  ». Plus de 150 Å“uvres de petit format, généralement sur papier, illustrent un moment relativement peu connu de l’histoire de la peinture.

L’époque dite des Lumières, qui célébra la nature avec Jean-Jacques Rousseau et mit sur pied des sciences à  elle consacrées, telles la météorologie et la géologie, devance celle du romantisme, o๠les poètes (Hugo, Lamartine…) voyagent par monts et par vaux et chantent les beautés qu’ils découvrent en route.

Ces Å“uvres n’étaient pas alors envisagées comme finies et destinées à  la vente.

L’àŽle et le pont de San Bartolomeo, Rome, Camille Corot, 1825-1828, huile sur papier contrecollé sur toile, 27 x 43,2 cm. National Gallery of Art.

Capter les effets fugitifs de la lumière et de la couleur

Dans l’exposition, il est question d’artistes de toute l’Europe, ce à  partir de la fin du xviiie siècle, dès lors que la pratique de l’esquisse à  l’huile en plein air devient obligatoire dans la formation des paysagistes. à€ la croisée de la peinture et du dessin, ces études avaient pour but d’exercer l’Å“il et la main à  capter les effets fugitifs de la lumière et de la couleur.

Ces Å“uvres, qui peuvent nous passionner aujourd’hui, n’étaient pas alors envisagées comme finies et destinées à  l’exposition et à  la vente, quand bien même elles étaient parfois achevées ultérieurement dans l’atelier. Elles n’en sont que plus précieuses à  notre appréciation.

Chemin faisant, au fil d’un parcours « plus poétique que didactique  », selon les termes de Ger Luijten, l’un des commissaires de l’exposition, on rencontre, notamment, des Å“uvres de Pierre-Henri de Valenciennes, Achille-Etna Michallon, Christoffer Wilhelm Eckersberg, Johan Thomas Lundbye, Vilhelm Kyhn, Johann Martin von Rohden, Carl Blechen et aussi de Camille Corot, Rosa Bonheur, John Constable ou Turner, plus familiers à  nos yeux.

La boîte de peinture, le siège pliant et le parasol, un attirail de rigueur

Que signifie, concrètement, le fait de « peindre en plein air  » ? N’est-on pas en droit de se poser la question – lorsqu’on évoque la confrontation avec la nature â€“ des modalités pratiques du travail de peinture en extérieur ? L’affiche de l’exposition apporte la réponse. Elle reproduit un tableau de Jules Coignet, Vue de Bozen avec un peintre, réalisé en 1837. D’un artiste vu de dos au pied d’un mont, on constate que la boîte de peinture, le siège pliant et le parasol constituent l’attirail de rigueur.

Les arbres, les eaux, cascades et rivages, les rochers, cavernes et grottes, le ciel et ses nuages font chacun l’objet d’un chapitre en propre. Pierre-Henri de Valenciennes conseillait de limiter les séances de travail sur le motif à  deux heures au plus, afin de bénéficier d’une lumière et d’une atmosphère constantes.

Que signifie, concrètement, le fait de peindre en plein air ?

Skyrim (Kongsberg, Norvège), Anton Melbye, 1848, huile sur papier contrecollé sur carton, 12 x 30 cm. Collection particulière.

C’est en Italie, avec sa franche couleur de l’air, que, venus de toute l’Europe, les jeunes artistes allaient se familiariser avec les maîtres anciens et peindre à  ciel ouvert. De Corot, parfait exemple du peintre de plein air, qui se situe au croisement de la tradition académique et des expériences impressionnistes qui se firent jour après lui, on peut admirer, entre autres, L’àŽle et le pont de San Bartolomeo, Rome, chef-d’Å“uvre reconnu.

Jean-Pierre Léonardini

« Sur le motif. Peindre en plein air  », jusqu’au 3 avril. Fondation Custodia, 121, rue de Lille, Paris 7e. www.fondationcustodia.fr