Le musée de la Poste ne manque pas de cachet

Rouverte depuis trois ans après une vaste rénovation, cette institution, située à deux pas de la gare Montparnasse, expose, sur plus de 1 000 mètres carrés, la petite et la grande histoire de l’acheminement du courrier.

Rouverte depuis trois ans après une vaste rénovation, cette institution, située à deux pas de la gare Montparnasse, expose, sur plus de 1 000 mètres carrés, la petite et la grande histoire de l’acheminement du courrier.

L’idée d’un musée voué à l’histoire postale et à la philatélie vient de loin. C’est durant l’Exposition universelle de 1889 à Paris, en constatant le succès des maquettes de matériel ferroviaire, que le philatéliste Arthur Maury suggère la création d’un musée postal. Il l’imagine alors dans l’hôtel des postes de la rue du Louvre. Des projets en ce sens sont déposés au début du XXe siècle, sans suites.

En 1936, le fonctionnaire des postes Eugène Vaillé propose au ministre des PTT, Georges Mandel, la relance d’un projet de musée. Un an plus tard, un lieu est envisagé : l’hôtel de Choiseul-Praslin, sis au 111, rue de Sèvres, à Paris 6e. Survient la guerre et l’Occupation, qui verra d’ailleurs l’assassinat de Mandel par la Milice, en juillet 1944.

En 1946, enfin, c’est officiel, le musée de la Poste ouvre ses portes. En 1973, il déménage dans le 15arrondissement, au 34, boulevard de Vaugirard. Le musée est resté fermé de 2015 à 2019 pour une ample restructuration architecturale et muséale, mais sa façade de béton brut, caractéristique de l’architecture dite « brutaliste », a été préservée.

Un édifice moderne sous lumière naturelle

C’est désormais, d’après les plans du cabinet d’architectes Frédéric Jung, un somptueux édifice moderne décloisonné, largement ouvert sous lumière naturelle, avec de grandes façades-vitrines et des ascenseurs panoramiques. Du rez-de-chaussée au 4e étage, un vide central traverse le bâtiment. Au 7e niveau, au-dessus des étages de l’administration, se trouve le café du musée, doté d’une terrasse avec vue. Au rez-de-chaussée, un vaste espace est dédié aux expositions temporaires d’artistes invités. Il y aussi des ateliers pédagogiques.

Cette refonte totale permet donc les conditions optimales de présentation, de conservation et de diffusion du patrimoine postal, axé sur l’écrit, l’histoire et la culture. Le musée de la Poste narre, en somme, non seulement l’histoire de l’acheminement du courrier à travers les âges, mais aussi celle de la France au jour le jour.

Le musée conserve et expose, sur plus de 1 000 mètres carrés, le patrimoine historique, artistique, philatélique et scientifique, constitué par des pièces de collection aussi diverses que les premières cartes des routes de poste, les uniformes des facteurs à travers les époques, les maquettes d’artistes, les timbres-poste, des objets populaires, une considérable collection de « mail-art » et d’art postal… Ces collections ont amplement mérité le label Musée de France, sous la tutelle du ministère de la Culture.

En 1476, Louis XI instaure un service de messagerie à cheval

La visite est riche d’enseignements, et comme elle remonte à loin, cette histoire est déclinée sur trois niveaux d’exposition parfaitement agencés. C’est en 1476 que Louis XI – surnommé par ses ennemis « l’universelle aragne » – instaure un service de messagerie à cheval, exclusivement réservé aux dépêches royales. Des relais permettent aux messagers – après douze kilomètres couverts à bride abattue –d’échanger rapidement un cheval fourbu contre un autre tout frais. En 1524, on compte 252 relais. Il y en aura plus de 2 000 trois cents ans plus tard.

On voit les lourdes bottes de sept lieux des postillons, l’invention du télégraphe, les demoiselles du téléphone soumises à des cadences folles, des grèves, le siège de Paris durant la Commune, où l’on utilise ballons et pigeons voyageurs, l’épopée de l’Aéropostale et ses héros, le tri en train, en bateau, en camion, en TGV…

Le musée de la Poste, vrai joyau de connaissance, ne va pas sans susciter une amère nostalgie. Tout n’a-t-il pas basculé dans les années 1990 avec la libéralisation du marché postal, puis la privatisation de la Poste en 2000 ? D’où la multiplicité des plans sociaux en silence, la casse du métier de facteur, l’épuisement au travail, les suicides, la logique marchande sans merci… De beaux portraits photographiques, tout sourire, de postiers méritants ne peuvent faire oublier la réalité sociale hors des murs du musée.

Jean-Pierre Léonardini