Extrême droite : l’Ugict se mobilise

Le 15 septembre, la commission exécutive de l’organisation a eu un premier échange sur les moyens de combattre l’extrême droite. Urgence syndicale.

Le 15 septembre, la commission exécutive de l’organisation a eu un premier échange sur les moyens de combattre l’extrême droite. Urgence syndicale.

Les faits sont là . Même en France, la progression du vote en faveur de l’extrême droite n’est plus l’apanage des catégories sociales les moins favorisées. Lors du deuxième tour de l’élection présidentielle, le nombre de cadres ayant accordé leur vote au Rassemblement national a, lui aussi, fortement augmenté.

Progression spectaculaire dans la fonction publique

Selon une étude publiée le mois dernier par le Cevipof, 33 % des cadres du privé ont, le 24 avril 2022, accordé leur vote à  Marine Le Pen, soit une progression de 27 % par rapport à  2017 et un score supérieur de 7 points à  celui relevé parmi l’ensemble des salariés du privé. Et, ce n’est pas le plus inquiétant. La présidente du Rassemblement national a emporté 27 % des suffrages exprimés par les fonctionnaires de catégorie A, soit 35 % de progression depuis 2017 – contre 31 % toutes catégories de fonctionnaires confondues…

Lorsqu’en juillet, la commission exécutive de l’Ugict avait décidé de consacrer un échange à  la rentrée aux moyens de lutter contre l’extrême droite, aucun de ces chiffres n’était encore connu. Mais déjà , l’organisation spécifique de la Cgt concevait l’urgence d’affronter cette question. Le 15 septembre, Denis Durand, ancien directeur adjoint à  la Banque de France et ancien secrétaire général du Syndicat national de l’établissement, ainsi qu’Ugo Palheta, sociologue, maître de conférences à  l’université de Lille, étaient à  la tribune pour alimenter la réflexion des syndicalistes présents.

Endiguer la dérive complotiste

Il a bien sà»r été fortement question des effets de la crise économique et de la crainte grandissante du déclassement, comme des mensonges répétés de l’extrême droite pour mieux banaliser le racisme et l’exclusion. « Mais ne nous trompons pas, au-delà  des cadres, ce discours gangrène bien des groupes sociaux qui, pendant des années, ont pu paraître protégés, comme les femmes, les Juifs ou les homosexuels  », a averti Ugo Palheta.

Comment les militants de l’Ugict peuvent-ils, dès lors, tenir leur place pour contrecarrer ce mouvement ? De quelle manière peuvent-ils contrer ces fake news que déversent les réseaux sociaux auprès leurs collègues, banalisant ainsi chaque jour un peu plus la rhétorique de l’extrême droite ? Quelle stratégie le syndicalisme peut-il adopter pour faire barrage à  la tentation complotiste qui altère toute capacité de construire une alternative ?

Les atouts de l’Ugict pour avancer

Alors que l’ancien économiste de la Banque de France Denis Durand venait d’insister sur « la connaissance que les cadres peuvent avoir de l’entreprise  », André Jaeglé, président émérite de la Fmts et ancien dirigeant de l’Ugict, a tenu à  souligner les atouts dont disposent les militants de l’Ugict pour contrer les idées d’extrême droite : leur capacité à  démontrer par l’exemple o๠mènent les politiques portant l’individualisme aux nues, et vers quoi se dirige une société qui, pour masquer ses injustices, confond richesse et paiement de la qualification.

Quatre jours après le succès électoral de l’extrême droite suédoise aux élections législatives, et dix jours avant celui du parti postfasciste Fratelli d’Italia, cette commission exécutive de l’Ugict a entamé un débat précieux. Une réflexion que Sophie Binet espère fructueuse : un point de départ pour « nourrir notre stratégie et envisager la façon de reprendre la main  » en créant, espère-t-elle, de « nouvelles alliances  » avec les mouvements féministes ou de lutte contre le racisme, « pour mieux avancer  ».

Martine Hassoun