Prud’hommes : panique à la Chancellerie

C’était une mesure phare des ordonnances Macron. Le plafonnement des indemnités prud’homales en cas de licenciement sans cause réelle ni […]

Lawyer in toga pleads at a trial. Avocat en toge plaide lors d’un procès. (MaxPPP TagID: maxstockfr040215.jpg) [Photo via MaxPPP]
Après le jugement du conseil des prud’hommes d’Agen du 5 février 2019, le gouvernement est fébrile devant la remise en cause de la barémisation des indemnités de licenciement.

C’était une mesure phare des ordonnances Macron. Le plafonnement des indemnités prud’homales en cas de licenciement sans cause réelle ni sérieuse avait même été présenté comme indispensable au droit du travail hexagonal parce que condition sine qua non de la « sécurisation de la relation de travail ».

Quatorze mois tout juste après avoir imposé cette mesure contre l’avis, bien souvent, des conseillers prud’homaux employeurs eux-mêmes, le ministère de la Justice avoue quelques difficultés. Dans un courrier en date du 26 février, Nicole Belloubet, garde des Sceaux, réclame de l’ensemble des procureurs généraux, ainsi que des présidents des cours d’appel et des présidents des tribunaux de grande instance, qu’ils lui fassent remonter toutes les décisions qui, fondées sur un écart par rapport aux barèmes, arrivent en appel. Objectif : que les procureurs s’en saisissent pour défendre la position de l’État.

Les termes de ce courrier font entorse au principe de séparation des pouvoirs judiciaire et exécutif, très clair en France. C’est que depuis un an, une quinzaine de conseils ont passé outre le barème limitant, en fonction de l’ancienneté, d’un à vingt mois les dommages et intérêts maximaux, pour rendre justice aux salariés licenciés sans cause réelle ni sérieuse. Ils l’ont fait en se référant au droit international. Tout d’abord, à la convention 158 de l’Organisation internationale du travail qui garantit le droit de n’être licencié que pour un motif valable, faute de quoi le juge est habilité à « ordonner le versement d’une indemnité adéquate ». Ensuite, à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qui consacre le droit à un procès équitable. Équitable, c’est-à-dire dans lequel les juges ont la possibilité d’exercer pleinement leurs fonctions.

Mais le gouvernement va jusqu’à user d’arguments fallacieux en prétendant que le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel se seraient prononcés en sa faveur sur la question. Et pourtant, rappelle la Cgt et, avec elle, le Syndicat des avocats de France, le Conseil constitutionnel n’a pas à juger du droit international mais uniquement du respect de la Constitution française. Quant au Conseil d’État, il n’a pas autorité sur les juges. La panique semble avoir gagné la Chancellerie. Le jugement rendu le 5 février par le conseil des prud’hommes d’Agen n’y est sans doute pas pour rien. Ce jour-là, pour la première fois, un juge départiteur, autrement dit un magistrat professionnel, a lui aussi déclaré l’« inconventionnalité » du « barème Macron » en accordant à une salariée licenciée verbalement et brutalement la somme de quatre mois de salaire d’indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse. Soit un mois au-dessus du plafond prévu par la loi.

Martine Hassoun