Chômage : bienvenue dans un monde de contrôle et de contrainte

Allocations-chômage sous conditions, obligation de travail pour les allocataires du Rsa et mise sous contrôle de l’Unédic par l’État : qui dit plus ?

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© Babouse
Allocations-chômage sous conditions, obligation de travail pour les allocataires du Rsa et mise sous contrôle de l’Unédic par l’État : qui dit plus ?

– L’introduction d’une modulation des allocations-chômage

Le candidat Emmanuel Macron en propose le principe sur la base de la capacité théorique des salariés privés d’emploi à retrouver un travail à un instant T. Rien de bien original, « ce n’est là que la reprise d’une proposition du très libéral Conseil d’analyse économique », explique Denis Gravouil, représentant de la Cgt au bureau de l’Unédic et secrétaire général de la Cgt-Spectacle. Dans un rapport de janvier 2021 intitulé « Repenser l’assurance chômage », le think tank appelait en effet à une telle réforme. Pour Emmanuel Macron, la protection sociale assurée après la rupture d’un contrat de travail est donc très claire. Elle ne se conçoit que sur une base purement comptable. Dans un tel cadre tel, les chômeurs les plus qualifiés, actuellement soumis à la dégressivité de leurs allocations au bout de sept mois d’inscription à Pôle emploi, pourraient bien souscrire à un contrat leur garantissant un revenu de remplacement stable. Et ce, quelle que soit la situation économique. Les assurances privées peuvent se frotter les mains.

– Transformer le « revenu de solidarité active » en « revenu d’activité »

Poursuivant l’idée qu’il y aurait urgence à contenir le « pognon de dingue » consacré aux plus fragiles, Emmanuel Macron propose de placer le Rsa sous condition : non plus seulement d’âge, de ressources et d’engagement dans un processus d’insertion sociale et professionnelle, mais aussi d’une activité de quinze à vingt heures par semaine. Le principe d’une telle réforme est simple, selon lui : il s’agit de garantir « un meilleur équilibre des droits et devoirs ».Autrement dit, d’imposer « une des antiennes les plus éculées de la pensée réactionnaire, celle d’une inversion entre les droits et les devoirs, où les devoirs conditionneraient les droits », écrivait il y a peu l’économiste Isabelle This Saint-Jean sur le site d’Alternatives économiques« Cette proposition préfigure l’avènement d’une société de la contrainte », prolonge Denis Gravouil. Contrainte d’accepter n’importe quelle activité pour être protégé, contrainte de travailler gratuitement pour bénéficier de quelques subsides afin d’échapper à la très grande pauvreté… Et tant pis si des emplois, jusque-là rémunérés et valorisés comme il se doit, tombent dans une zone de non-droit au regard de toutes les garanties collectives…

– En finir avec Pôle emploi pour faire advenir France travail

La proposition peut sembler anodine. Selon le candidat Macron, pour plus d’efficacité, il s’agit de réunir simplement, sur chaque bassin d’emploi, toutes les structures consacrées à l’insertion des chômeurs afin de favoriser les synergies. Problème : derrière cette proposition se confirme la volonté du locataire actuel de l’Élysée d’aller vers une nationalisation du régime d’assurance chômage. Le transfert de la gestion des allocations des Assedic à Pôle emploi avait déjà engagé le processus. Cette réforme l’achèverait. Les règles d’indemnisation des salariés privés d’emploi ne seraient plus négociées entre syndicats et patronat. Mais, comme le suggérait encore le Conseil d’analyse économique il y a un an, elles seraient définies par la puissance publique et présentées dans le cadre du budget de la Sécurité sociale au Parlement. Autrement dit, les conditions d’existence des chômeurs ne relèveraient plus de l’accès à un droit – un droit imparfait, mais résultant d’un compromis –, elles seraient définies comme le sont tous les dispositifs d’assistance : en fonction de la majorité politique du moment et de l’idée qu’elle se fait de l’aide à accorder aux personnes frappées par le chômage et/ou de l’argument électoral que peut avoir leur mise sous contrainte.

– Mise au point

Depuis près de dix ans, la Cgt réclame du service statistique du ministère du Travail qu’il mène une étude sur le non-accès des demandeurs d’emploi à leur indemnisation. En 2018, des parlementaires avaient fait inscrire dans la loi l’obligation, pour le gouvernement, de fournir un rapport sur la question avant fin 2020. Début 2022, ce travail existe. Mais le ministère du Travail refuse de le publier. « Y aurait-il quelque chose de gênant » à en divulguer les conclusions, demande la confédération ?

Martine Hassoun